• Denis Rouvre | 'Lamb'Denis Rouvre |
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Denis Rouvre – ‘Lamb’

Des combattants dans l’ombre qui rêvent de lumière. Voilà comment pourrait se résumer la série du photographe Denis Rouvre Lamb (lutte, en wolof). Les corps et les visages disparaissent dans l’obscurité pour laisser place à une beauté brutale mêlant sévérité, sagesse et détermination. Entre force mystique et force de la nature, les muscles de ces athlètes, tout juste illuminés par la vérité de leur regard, claquent sur les photos comme ils claqueraient dans le cercle de combat. Parés et maraboutés, ces combattants nous offrent un partage de culture les yeux dans les yeux…

Ici chacun aspire à devenir un dieu vivant. Rien de moins. Dans les salles obscures ou sur les plages de la banlieue de Dakar, où les jeunes s’entraînent à la lutte sénégalaise, on attend fébrilement le moment où il faudra combattre sous le soleil de plomb, dans l’arène de sable, au centre d’un stade rassemblant des dizaines de milliers de spectateurs affamés. Pour leur donner la force d’affronter l’adversaire, le marabout aura baigné les corps des lutteurs d’une potion, aura versé du lait sur les torses, les épaules, les têtes, entonnera des formules rituelles pour éloigner le mauvais sort. Les gris-gris accrochés aux membres seront protecteurs. Ensuite il faudra foudroyer l’adversaire. Mettre les quatre appuis au sol, se coucher sur le dos ou sortir du cercle en tombant, et ce sera l’échec, pire l’humiliation. Sortir de l’arène victorieux et le public surchauffé les acclamera comme des rois. Peut-être pourront-ils un jour devenir champions, riches et quasi-divins.
Denis Rouvre a photographié les corps vaillants, les visages, tendus, perpétuellement dans le défi, de ces apprentis lutteurs des banlieues de Dakar. Ils appartiennent à l’une des 77 écuries du pays et pratiquent quotidiennement ce sport unique au monde, subtil mélange de lutte traditionnelle et de boxe à poing nus. Le mouvement d’urbanisation des années 70 a apporté dans les villes ces combats traditionnels des villages organisés après les moissons. La lutte s’est professionnalisée, est devenue ‘avec frappe‘. Les coups de poings se sont ajoutés aux contacts des corps. A l’enjeu sportif et mystique du combat s’additionnent des cachets, aujourd’hui comptés en millions de francs CFA.
Dans les salles cachées des ruelles dakaroises, ils viennent chaque soir prêts à encaisser les coups avec ce rêve en tête. Eux qui vivent de petits boulots et bricolent leur existence brûlent de sortir de leur condition sociale et humaine. Ils veulent devenir célèbres et surhumains. Les noms de leurs idoles d’hier et du moment résonnent comme ceux de gladiateurs : Tyson, Bombardier, l’Equarisseur, le Tigre de Fass, l’Ouragan de Pikine. Pour ce round qui peut changer leur vie, les lutteurs sont prêts à combattre jusqu’à la mort. Leurs regards disent qu’ils sont déjà des lions et sauteront à la gorge de ceux qu’ils trouveront sur le sable de l’arène…